Chicago (Illinois), 5 heures de route de Detroit (Michigan)
Movement 2014
lundi 30 juin 2014
mercredi 25 juin 2014
TEC-TROIT 2014 - True festival for towners ! "Genuine" festival ?
TEC-TROIT
2014 fut un festival hors du commun. D’un intérêt et d’une complexité sans égal
à tout autre festival. Entre les organisateurs me rappelant que le festival est
de plus en plus suivi chaque année et le fait que certains locaux et la police
ne voient pas celui-ci d’un bon œil, observons l’intérieur.
TEC-TROIT 2014 was an extraordinary
music festival through estonishing and awkward points compared to others music
festivals. Between organizers telling me that the festival is bigger every year
and some locals and policemen denying it, let’s see what it really happened.
TEC-TROIT - samedi 21/06 - après-midi / Harmonie Park
What TEC-TROIT is ?
TEC-TROIT
est un festival de musiques électroniques notamment house et techno – GRATUIT.
Cette année il s’est déroulé sur trois jours, du 20 au 22 juin (2 scènes). En 2011, DJ Roach (Raul Rocha) et Heather
Raye, décident de faire renaître un festival gratuit à portée très locale, un
peu à l’image des premiers festivals Detroit Electronic Music Festival sur Hart Plaza
entre 2000-2004. Ce festival se situe dans une idéologie différente des festivals
de Detroit, tel le MOVEMENT, qui bien que saluer par les artistes pour l’apport
monétaire à la ville et l’impact médiatique internationale, a perdu au fil des
années et des enjeux globaux, une assisse plus locale, tant auprès des DJ que
d’un certain public. D’après mes observations, tout se passe sans compétition
malsaine avec les autres festivals, toujours dans le but de confronter des
idées différentes sur la conception et l’idéologie de la scène des musiques
électroniques à Detroit.
TEC-TROIT is an Electronic Music
festival, especially house and techno music – completely free. In 2014, festival took place in Harmonie Park
of Detroit from June 20-22 (2 stages).
In 2011, DJ Roach (Raul Rocha) and Heather Raye decided to create a new
free festival with a local impact, as former DEMF 2000 – 2004 were.
Ideologically, TEC-TROIT is different even if DEMF-MOVEMENT festivals are
accepted by Detroit DJ communities thanks to monetary contribution for the city
and international media impact. Nevertheless, every year those festivals lost a
part of DJ and local Detroit techno fans.
After observation, that’s not a competition; the way that DJ Roach
promoted this event is in order to show a different conception of the “genuine”
scene of Detroit DJs.
Logo TEC-TROIT
Engagement
citoyen : DJ Roach remet notamment en cause la marque MOVEMENT qui
« gagne un paquet de fric et met en place des événements
internationaux ». L’image –iconique - de Detroit par rapport à la scène
électronique, aident beaucoup ce genre d’événements à se faire connaître, bien
qu’ils soient parfois un peu détaché dans leur promotion artistique de la
réalité et de la complexité musicale en matière de musiques électroniques à
Detroit. Difficile de satisfaire tout le monde !
Citizen commitment: DJ Roach calls
into questions the MOVEMENT brand which " charges a ton of money and
features a lot of international acts ". The iconic image of Detroit through its
Techno history, help them to create such big international events, even if it’s
not the Detroit sound that they promote. But it’s not easy to satisfy
everybody !
Engagement
musical : DJ Roach critique aussi le MOVEMENT pour son timide engagement
auprès des DJ locaux : « MOVEMENT semble avoir une sélection de
quelques artistes locaux qui joue tous les ans au MOVEMENT, quand il y a tant
de nouveaux talents locaux ici, à Detroit, qui adoreraient être un morceau du
MOVEMENT ». A l’image d’un Carl Craig, programmé presque tous les ans – et
ce avec grand bonheur pour tous – il est vrai que cette pluralité de DJ
manquent quand on observe combien de DJ différents peuvent être présents au
TEC-TROIT, et des personnes qui ne sont pas du tout connu, du grand public. On
se pose alors cette fameuse question de savoir quel est le statut de tout ces
DJ : sont-ils des DJ professionnels ou des amateurs ? Est-ce que la
popularité d’un DJ influe sur son statut ? Y-a-t-il des DJ plus méritants
que d’autres ? Des questions toujours délicates lorsque l’on se situe dans
le champ culturel.
Musical commitment : Also, DJ
Roach criticizes MOVEMENT
because of its tight commitment with local DJ : “Also they seem to have a select
few locals that play MOVEMENT every year when there is so much local talent
here in Detroit that would love to be a part of MOVEMENT.” For example, a guy
like Carl Craig is playing every year (almost) – which is great – but it
highlights a lack of diversity. Because when you observe TEC-TROIT program, you
see how many guys from Detroit and his region could play. Finally we have to
ask this hard question about the status of being a DJ: are they some professional and some non-pro ?
How do you define a status? Does the
popularity of a DJ influence his/her
status ? Is there some DJ who are deserving and others who aren’t? (some awkward questions).
Flyer TEC-TROIT 2014
Paradise Valley – Harmonie Park: a legendary music place vs a hype commercial area
Paradise
Valley – Harmonie Park est un lieu fondamental des scènes musicales de Detroit. Dans
les années 1920 à 1980, les principales salles de danse, bars et clubs étaient attachés
à cette zone. Les nouveaux musiciens de jazz et de blues devaient passer par
ces lieux pour pouvoir être accepté. Puis les genres musicaux ont évolué, les
clubs et discothèques se sont installés sur d’autres avenues du centre-ville.
Néanmoins, le parc existe toujours, mais excepté les affiches et panneaux
flattant ce lieu plus aucun lieu de musique n’est présent et donc ne rappelle
cette gloire musicale passée. Cependant, certains membres de la communauté de Detroit
font vivre ce lieu à l’instar des mini-concerts de jazz organisés tous les
lundis et jeudis. Le parc reste un endroit paisible où la communauté peut se
réunir, comme pour le TEC-TROIT.
Paradise Valley – Harmonie Park is a
main music place in Detroit. From 20’s to 80’s, ballrooms, clubs and bars were
located there. For example, new jazz and blues musicians had to validate their
career by playing here. Then, genres evoluted and clubs and discotheques
settled in others streets and avenues. However, the park still exists but
except some flyers and panels, no building and music place is in order to
remind us those musical days and events.
Few towners animate Paradise Valley with jazz concerts (Monday and
Thursday). The park is a peaceful place for all the towners where they can
gather, like for TEC-TROIT event.
Harmonie Park - vendredi 20/06 - après-midi / 1ère scène
Harmonie Park - vendredi 20/06 - après-midi / 2ème scène
Or,
il est de plus en plus difficile d’organiser de tels événements, notamment
house et techno, du fait des restaurants et autres hôtels qui profitent du
cadre pour s’installer. Aujourd’hui, comparativement au reste de Detroit, la
zone Harmonie est un endroit hype où l’on trouve des restaurants et bars très
chics. Une population qui peut parfois faire preuve de distance à l’égard de la
communauté musicale qui veut aussi habiter ces lieux, surtout des DJs et de
styles musicaux portant de lourds clichés.
It’s really complicated to organise
such an event. Harmonie area is a hype place where restaurants, bars and hotels
are close to. A population who can have some distance with towners and
musical culture of Detroit.
Explication
par les faits : Vendredi 20, premier jour de festival, seulement une trentaine
de personnes étaient présentes du fait de la pluie. Aux alentours de 16h s’est
alors déroulée une scène inimaginable. En effet, quelques heures après que les
organisateurs eurent montés la deuxième scène (Randolph Street – Gratiot
Avenue), une vingtaine de personnes arrivaient pour écouter le nouveau DJ. Ecoutant
la musique et les puissantes basses se déclencher, le propriétaire du bar
(nouveau propriétaire selon mes sources), décident d’appeler DJ Roach et la
police pour fermer la scène. DJ Roach calme, accepte. Finalement, une seconde
scène vit le jour à l’intérieur d’un bar proche.
DJ
Roach sur son compte Facebook (samedi 21, 6h39) : « Donc la police a
fait fermer la deuxième scène, mais nous nous déplaçons à l’intérieur du
Coaches Corner, et ce sera donc là que la fête battera son plein. Chaque année
ils essaient d’arrêter cet évènement gratuit, mais TEC-TROIT est toujours là
et on continue à s’éclater.”
Explanations: On Friday 20th, first
day of festival, only thirty people were there because of the rain. After 4pm
something wrong happened. After organizers set up the second stage (Randolph
Street – Gratiot Avenue), ten people were coming to listen a new DJ playing,
when the bar’s owner call DJ Roach and the police to close the stage (a new
owner / music loud / people drinking on the streets). DJ Roach accepted.
Finally, a second stage will raise in another bar (indoor). DJ Roach on his Facebook account
(Saturday 21st, 6.39am): “So the police made us shut the 2nd stage
down but we moved it inside of Coaches Corner so thats where we are rockin the
2nd stage, inside of Coaches Corner. Every year they try and stop this FREE
event but Tec-Troit is still on and poppin.”
DJ Roach (à droite) discutant avec les policiers
For Those Who Know...
DJ
Roach et son label Nuestro Futuro font partie d’Underground Resistance (UR), un
collectif et label de promotion et production des labels indépendants de
Detroit. La plupart des DJ qui étaient invités sont des personnalités
récurrentes, qui forment un ensemble autour de la sphère d’Underground
Resistance (UR) et Detroit Techno Militia (DTM) , c’est-à-dire les promoteurs
d’un son à Detroit. Très rares sont ceux qui partent à l’étranger, d’ailleurs
cette question d’influence avec d’autres pays et d’autres styles semblent
parfois « tabou ».
DJ Roach and his label Nuestro
Futuro are part of Underground Resistance (UR), a DJ/musicians collective
promoting and producing Detroit independent labels. Most of those DJ who were
invited are people close to this group or Detroit Techno Militia (DTM). Only few DJ go abroad, besides the question
of influence with others countries or music styles can sometimes be a “taboo”.
Des
types inconnus (à mes oreilles) comme Nano2Hype, Donald Joseph, Ryan Start,
Subtractive, Pirahnahead, Nigel One and Alexander, Biblical Proportions… se
retrouvent avec DJ T.Linder, DJ Psycho, Terrence Parker, etc, plus connus.
I heard some guys totally unknow for my ears like Nano2Hype, Donald Joseph, Ryan Start, Subtractive, Pirahnahead, Nigel
One and Alexander, Biblical Proportions… and also there weres others more famous DJ like DJ
T.Linder, DJ Psycho, Terrence Parker,....
Au
final le festival a réuni sur trois jours environ 300 personnes (notamment
samedi et dimanche). La population locale était fortement représentée :
les habitués du parc, les sans-domiciles, les groupes de supporters d’UR, DTM
et TEC-TROIT, les amis et familles, ainsi que des jeunes de la région. Des gens souriants, dansants, échangeants. Des DJ simples, impliqués et très proches du public. Une réelle énergie produite entre DJ et public. D’autres
festivals ont également une démarche similaire promouvant la gratuité :
Pine Grove Electronic Festival (Port
Huron) et Charivari Festival (Detroit), qui restent un peu plus important en
termes d’audience.
Finally the festival gathered during
three days, about 300 people (especially on Saturday and Sunday). Towners were
the representatives: Park lovers, Homeless, Fans of UR, DTM and TEC-TROIT,
friends and family, and young guys from the county. People laughing, dancing, smiling and DJs close to this public in a pure and simple energy. Also others festivals with a local ideology
and free exist : Pine Grove Electronic Festival (Port Huron) and Charivari
Festival (Detroit), which remain bigger than TEC-TROIT.
L’événement
était donc très particulier. De plus, la communication ne s’est faite que par
Facebook ainsi que par la distribution de quelques flyers. Pas de
merchandising, pas de bars ou de coins restauration : un festival très épuré.
It was a special event. No big
communications, except by Facebook and flyers. No merchandising, no bars or
fast-food or tents - an uncluttered festival.
Pour conclure, j'ai rencontré une personne emblématique de cette synergie entre la réalité locale pour les habitants de Detroit et la magie de la musique et des musiques électroniques en particulier : Grandma Techno. A 72 ans et victime depuis 1988 d'une maladie l'handicapant, Patricia Lay-Dorsey fait preuve d'une formidable détermination dans sa vie et sa volonté de montrer ce qu'est réellement Detroit. Je vous invite à faire un tour sur son site, observer son travail, notamment son portfolio "Detroit is its people not its problem" et la vidéo intitulée "THEY CALL ME GRANDMA TECHNO" : http://www.patricialaydorsey.com/
Grandma Techno
To conclude, I'll invite you to look at an iconic person who reflects the truth about Detroit and the magic of music and Electronic Musics : Grandma Techno. 72 years old and handicaped since 1988, Patricia Lay-Dorsey is a wonderful person proving her determination in her life and her love for Detroit. Go on and see the video "THEY CALL ME GRANDMA TECHNO" and her portfolio "Detroit is its people not its problem" : http://www.patricialaydorsey.com/
vendredi 20 juin 2014
Music in Detroit #2 : Les années "plus ou moins" Funk (et Disco)
La
dernière fois, nous avons parlé de la scène Rock de Detroit (classic rock, punk
et hard rock). Aujourd’hui, je vous propose de vous emmener découvrir les 70’s
et 80’s, et l’univers des boules à facettes, des cols pelle à tarte et des
pantalons patte d’eph. Messieurs déboutonnez votre chemise et Mesdames
recoiffez-vous, c’est parti pour un moment funk (et disco).
Detroit
n’est pas une ville qui se vente de sa scène funk aujourd’hui. D’ailleurs vous
avez certainement dû remarquer que les événements live (ou non) de funk et de disco, en France et ailleurs, se font très
rares, mais pourtant quel DJ de nightclub ne passe jamais un tube de ces styles
pendant une soirée ? Et qui n’apprécie pas de se déhancher sur le
« groove » de ces musiques ? Oui, je te parle ! Toi qui aime
gesticuler sur la piste de danse en réinterprétant les démarches et les pas les
plus sensuels et sexuels d’un John Travolta sur une chanson des Bee Gees ou
d’un James Brown dégoulinant de sueur. Toi qui connais par cœur la chorégraphie
d’Alexandrie Alexandra (non ne te cache pas), et qui tente encore le coup du
lasso en boîte, je te présente quelques pépites.
James Brown (1933-2006)
Deux
émissions de TV à Detroit : Soul Train et The Scene
Si
je vous parle de l’audiovisuel à Detroit, c’est tout d’abord parce que
l’évolution de ces musiques et l’intérêt que le public a eu pour ces dernières est dû à leur diffusion TV. Ces divertissements télévisuels faisaient aussi bien
participer les foules filmées en live que d’aiguiser la sensibilité des spectateurs
derrière leur écran. On assiste à un regain d’intérêt pour les danses, et on
parle alors pour désigner les musiques qui les accompagnent de « dance
music ». Ce phénomène sera aussi lié à la modernisation des lieux de danse
ou la création des clubs/discothèques. Cette contextualisation permet aussi de
comprendre pourquoi les générations nés avant les années 80 ont été marquées
par le funk et le disco, ce à travers ces émissions de musiques et de danses et
expliquer pourquoi les artistes actuels qu’il soit de la scène hip-hop, techno ou même pop, revendiquent ces influences.
Et deuxièmement,
ce sont des choses qu’en France nous n’avons pas connu, donc profitons-en pour
observer.
Plateau de Soul Train (années 1970)
En
octobre 1971, Detroit diffuse un show qui est produit et monté à Chicago, appelé
« Soul Train ». Animé par Don Cornelius, un homme charismatique qui
deviendra le premier Afro-Américain à se hisser à la tête de la production
audiovisuelle, l’émission se découpe en différentes parties. Elle propose de
découvrir différents artistes en live, différentes chansons, des interviews en
live, des chorégraphies et un rituel de fin : une ligne de danse qui
clôture le show et où danseurs, musiciens et artistes peuvent se défouler.
Au
départ, on y découvre les artistes soul, concept de l’émission, et notamment
les stars de la Motown, stars locales puisque jusqu’en 1972, Detroit (5h de
Chicago) accueillait toujours les locaux de la Motown. On y voit Smokey
Robinson, Stevie Wonder, Marvin Gaye, The Temptations, Jackson Five et plus le
show grandit plus les artistes viennent de partout : Al Green, Aretha
Franklin, Barry White, etc.
« Suite
à la British Invasion avec entre autres les Beatles, les Rolling Stones et
Cream et le fait que les fans, les alliances, et les goûts musicaux alors
évoluèrent vers quelque chose de plus sophistiqué et d’éclectique, les années
1971-1973, furent une période cruciale pour la musique noire. Celui qui
montrait la voie allait mourir. Jimi Hendrix devait quitter ce monde dans le
but d’offrir aux Isley Brothers, Parliament Funkadelic, Sly annd The Family
Stone et Rick James une façon de découvrir leur schéma créatif pour transporter
la musique noire vers ce qu’elle voulait devenir, en transformant la soul en
funk », nous dit Ahmir « Questlove » Thompson (Dj et producteur)
– (P-50 – Soul Train).
Soul Train - Stevie Wonder (joue pour la première fois "Superstition") - 1971
Soul
Train avance avec les évolutions musicales et fait ses propres choix, dans
une filiation tout de même logique: disco, hip-hop, new wave et R’n’B : Donna
Summer (1976 et 1978) Village People (1980), Kurtis Blow (1980), Sugarhill Gang
(1981), LL Cool J (1985), Beastie Boys (1987), Pet Shop Boys (1988) sont invités. En 1993,
Soul Train s’achève.
The
Scene s’inspirera énormément de Soul Train. Débutant en 1975 et tirant sa
révérence en 1987, ce show était une quotidienne où la danse était au centre de
l’émission puisque très rares étaient les artistes qui jouaient en live. La
direction artistique et musicale pris un autre sens que Soul Train. Soul Train
avait une vision nationale, mais The Scene avait une vision locale. Ainsi, la
musique était un reflet de Detroit, une musique plus house, plus électronique
mais aussi techno. Lors de mes rencontres avec les artistes, fans et amateurs
de house et techno, beaucoup me disaient avoir entendu pour la première fois
Kraftwerk ou Cybotron. L’émission animée par Nat Morris sera remplacée par the
New Dance Show en 1988 – un programme plus moderne mais quasiment identique
dans le fond.
The Scene - "Shari vari" d'A Number of Names (prémisse à la Techno de Detroit) - 1981
Outre
l’aspect musical, Soul Train aura un fort impact sur la médiatisation des
Afro-Américains, et sera le prisme de leur évolution et motivation dans la
société des USA. A Detroit, l’effet sera d’autant plus fort et local avec The
Scene que la population Afro-Américaine augmente dû à la fuite de la communauté
Blanche.
1970-1980 - Detroit : plus funk que disco ?
Bien
que le disco ait eu une popularité importante aux USA, le funk reste une
musique plus présente dans le cadre musical de Detroit. Pourquoi ?
Le
disco est très européen, contrairement à ce que l’on pourrait penser. Tout d’abord,
Peter Shapiro, fait remonter les prémisses du disco à la Seconde Guerre
Mondiale, et les affrontements intellectuels et artistiques entre français et
nazis. Il expose que pendant la Résistance, Paris grouillait en effet de boîtes
clandestines, et qu’après la libération, ce phénomène va s’accentuer avec
notamment des lieux mythiques comme le Whisky à Go-Go, puis l’ouverture des
premières discothèques de Régine.
Le
disco plante aussi ces racines dans la ville de New-York, où au début des
années 1970, la Big Apple a une image assez dégradée, entre violence,
prostitution, crime, policiers corrompus et trafic de drogues. Avant les
paillettes et le hype des discothèques vivaient le trash dans ces lieux.
Le
disco est aussi une musique de danse commerciale. Même si elle fait la synthèse
d’un courant soul et funk, la technologie et les instruments électroniques
permettent de créer, sans frais, un morceau complet sur une base rythmique,
charleston (contretemps) et grosse caisse (temps forts 4/4) accentués, et des morceaux qui le
plus souvent sont remixés de nombreuses fois.
Par
la suite, le disco se révèle progressivement: en France, Manu Dibango « Soul
Mokassa » (1973), en Allemagne, Boney M (même si l’on pensait tous que l’origine
du groupe était américaine) « Daddy Cool » (1976), en Suède avec Abba
(qui feront un gros carton en Australie où ils sont encore considérés comme des
superstars aujourd’hui), « Waterloo » (1974), etc.
A
Détroit, et plus largement dans la communauté afro-américaine, le sentiment
envers le disco est partagé. Cette communauté devient et est exigeante en termes
de musique. Le funk appartient à la communauté Afro-Américaine jusqu’à l’arrivée
du disco qui le fait découvrir à la communauté blanche. La soul et le funk ont
une âme musicale, ce qui est alors plus difficile de justifier pour le disco au
vue des faits précédents, selon les commentateurs. Cette âme musicale reste purement subjective,
et met en avant le lien religieux avec la musique. La soul et le funk sont liés
aux racines du chant religieux et surtout le gospel. La soul et le funk font références
aux textes religieux, « tandis que
le disco a pour religion l’hédonisme » (P.87-Soul Train).
Je
prends ici pour exemple Questlove nous parlant de la période disco de Soul
Train, où l’on retrouve une critique envers le disco: « La musique Noire a
toujours été défini et contextualisée par rapport au gospel, et le disco marqua
la première fois dans l’ère de la musique noire où celle-ci ne portait moins
sur le gospel. »(P.87 – Soul Train)
Enfin,
même si la vague disco a continué à se développer dans les années 1980 en
Europe et ailleurs, il faut savoir que le disco connut un véritable coup d’arrêt
aux USA suite à un événement grave : le « Disco Demolition Night ».
Affiche "Disco Sucks" - Comickey Park 1979
Avant
cette journée de 1979, des petites manifestations anti-disco éclatent dans le
pays. Certains jugent la musique trop mécanique, jugent les habits des danseurs
trop provocateurs, mais les plus virulents s’attaquent au disco notamment du fait
de ses racines à la culture homo, et de la visibilité que lui "accorde" le disco. Les fans de rock
aussi, qui voient leur station et la popularité de leur musique diminuer, s’offusquent
de cette musique. Alors le 12 juillet 1979, à Chicago, au Comikey Park (stade
de baseball), environ 60 000 personnes se ruent pour pouvoir voir le match
et casser des vinyles de disco (mauvaise saison pour l’équipe de
Chicago – habituellement max 30.000 spectateurs). A la fin du match, les
instigateurs de cet événement, Steve Dahl (DJ Radio rock), Gary Meyer (DJ Radio
rock) et d’autres entament un tour de terrain avec des caisses de disques et des
explosifs. Ils reprennent le slogan « Disco Sucks », et font exploser
les disques, laissant un trou au centre du terrain. Les médias américains, qui
ne sont pas des défenseurs du disco, titrent alors la mort de celui-ci (symboliquement et littéralement).
« Micro résumé » de l' histoire du funk
+ Deux groupes incontournables et proches de la scène de Detroit
Le
funk s’est développé dans différentes villes aux USA. Les berceaux principaux
restent l’Ohio (Ohio Players) et la Nouvelle-Orléans (The Meters), où les
débuts du funk firent leur apparition. D’ailleurs James Brown, le « godfather
de la soul », plutôt funk, s’installa rapidement à Cincinnati (Ohio). Dans
les années 1960, le funk se bâtit sur le rythm’n’blues et la soul, ainsi que
des textes engagés sur la difficulté quotidienne d’être un Noir aux USA. Les
paroles évolueront ensuite pour être plus festives et sexuelles (James Brown, "Sex Machine" –
1970). Chic, Earth Wind and Fire, Kool and The Gang…, ces groupes vont
populariser une musique plus électronique et énergique, un mélange entre le funk, le disco et la pop.
Parliament-Funkadelic :
Aussi appelé P-Funk, est le rassemblement de deux noms de groupes qui sont des
piliers dans le funk et l’electroclash. P-Funk est conduit notamment par George
Clinton, personne d’une vitalité à couper le souffle, et qui mis en place le
groupe dans son salon de coiffure en Caroline du Nord. Créée en 1955, il signe
avec le label Westbound Records en 1968, à Detroit. Leur musique évolua du
doo-wop au funk en passant par le rock psychédélique. Les membres de The
Parliaments sont au départ : George Clinton, Ray Davis, Calvin Simons,
Fuzzy Haskins, Grazzy Thomas. En 1969, le groupe perd ses droits et se renomme
Funkadelic et voit l’arrivée de nouveaux membres et notamment : Williams (« Bootsy »)
et Phelps Collins. P-Funk c’est l’un des superband du funk, qui va imposer une
esthétique colorée et hyperactive, sous des ambiances parfois "hallucinogènes" et "planantes". Dans les années 1980, les P-Funk connurent
un « revival » avec la sortie de remix club – « P-Funk All Stars »
A écouter : Funkadelic (album de 1970), Maggot Brains (album de 1971), Hardcore Jollies (album de 1973)
George Clinton
Was (Not Was) :
Groupe
originaire de la banlieue de Detroit, ils évoluent dès 1979 dans un mélange
post-funk et disco, ils produisent un
son très éclectique entre pop et « electro ». L’aventure de Was (not
Was) commence avec deux amis de lycée, Don Fagenson et David Weiss qui décident
de se renommer Don et David Was. Don Was, qui deviendra un grand producteur des
années 1980-1990, intègre aux chants « Sweet Pea » Atkinson et Harry
Bowens. Ils seront souvent accompagnés d’invités dans leur morceau. Was (No
Was) est à l’image de toutes les frictions artistiques et musicales de Detroit
dans les années 1980 : un groupe blanc/noir, une musique aux influences
très diverses (sans limite) mais avec notamment des teintes funk, disco et jazz, ainsi qu’une bonne pincée d’instruments
électroniques.
A
écouter : « Walk the Dinosaur » et « Spy in the House of Love » (What's Up dog - 1988)
Régalez-vous de la chorégraphie de "Walk the Dinosaur", et je défis quiconque de ne pas retenir "Open the door, get on the floor, everybody walk the dinosaur !"
Pour
plus d’informations :
- QUESTLOVE, "Soul Train - the Music, Dance and Style of a Generation", Harper Design, 2013
- Shapiro P., "Turn the beat around : the secret history of disco", Faber and Faber, 2005
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